Au début du 19e siècle alors que les terres qui s’étendent entre Notre-Dame de Lorette et Pigalle ne sont pas encore bâties, le receveur des finances Lapeyrière et l’architecte Constantin s’associent pour y édifier villas et hôtels particuliers aux styles italien et grec.
Le quartier, nouvellement construit, va s’attirer les faveurs de bons nombres d’artistes qui souhaitent y élire domicile. Ces écrivains, comédiens, musiciens et peintres parmi lesquels on peut citer Ary Scheffer, Eugène Delacroix, Gustave Moreau, George Sand, Victor Hugo, Claude Monet et bien d’autres noms illustres forment l’élite du mouvement romantique à Paris et ne cachent pas leur goût pour l’hellénisme ambiant alors que la Grèce est en conflit avec l’empire ottoman. La Nouvelle Athènes est née !
Aujourd’hui c’est un quartier branché de la capitale que l’on appelle par son acronyme SoPi pour South Pigalle. Partez à la découverte du berceau du romantisme parisien au cœur du 9e arrondissement de Pigalle à Notre-Dame de Lorette.
La balade débute place Jean-Baptiste Pigalle. Au numéro 9 se tenait le café de la Nouvelle Athènes (aujourd’hui Bio c’ Bon) où se réunissent vers 1870 les plus grands peintres tels que Toulouse-Lautrec, Manet, Renoir, Pissaro, Willette mais aussi les écrivains Guy de Maupassant, Émile Zola, Stéphane Mallarmé... C’est dans ce café qu’Edgar Degas peint sa fameuse toile « Dans un café » dite aussi « L’absinthe » dans laquelle il fait poser deux amis à lui afin d’illustrer les ravages de l’alcoolisme.
Le saviez-vous ? Ce 1er étage de ce lieu mythique a vu passer de nombreux cabarets et le club de rock Le New Moon. Manu Chao et son premier groupe La Mano Negra s’y sont produits à la fin des années 80.
Café de la Nouvelles Athènes – 9 place Jean-Baptiste Pigalle, Paris 18e
Sur le trottoir d’en face, à la place du Crédit Lyonnais c’était le Rat Mort, où on pouvait trouver l’écrivain Jules Vallès et l’homme politique Léon Gambetta, Rimbaud y a blessé son ami Verlaine.
Autour de la fontaine de la place Pigalle se tenait le lundi le marché aux modèles où les femmes se proposaient comme modèles aux peintres.
Place Jean-Baptiste Pigalle, Paris 9e
Engouffrez-vous dans la rue Frochot où les anciens bars à hôtesses sont devenus désormais des bars à cocktails tendance.
Prenez la rue Victor Massé et admirez les superbes façades des immeubles situés aux 23, 25 et 27. au style néo-Renaissance très en vogue sous Louis Philippe (1830-1848).
C’est au numéro 25 que Théo Van Gogh habite lorsque Vincent le rejoint. L’appartement étant trop petit alors ils déménagent au 54 rue Lepic de l’autre côté de la place Pigalle.
C’est aussi ici que Berthe Weill a ouvert la toute première galerie d’art parisienne tenue par une femme. C’est à cette formidable découvreuse de talents qu’on doit la présentation avant-gardiste des toiles cubistes mais aussi les premières ventes de Pablo Picasso avec lequel elle noue une amitié de toute une vie et la seule exposition de son vivant du peintre Modigliani.
C’est également au rez-de-chaussée de cet immeuble que se tient le Cotton Club petit frère du mythique club de jazz d’Harlem tenu par la pègre. Edith Piaf et Simone de Beauvoir sont venues y faire la fête et s’y encanailler !
La rue Victor Massé est LA rue de Paris dans laquelle trouver un instrument de musique : batterie, guitare, basse, synthétiseur, tout est là !
Rue Victor Massé, Paris 9e
Observez place Gustave Kaspereit une superbe verrière Art déco qui s’inspire des estampes du peintre japonais Hokusaï. Il s’agit au départ d’un hôtel particulier construit en 1837 puis transformé en cabaret en 1920 sous le nom de « Shangaï ». Le lieu ne s’embarrasse pas à l’époque des subtilités culturelles et associe avec simplicité les influences japonaise et chinoise.
Place Gustave Kaspereit, Paris 9e
Juste à côté se dresse le portail de la magnifique avenue Frochot. Alexandre Dumas, Victor Hugo, Toulouse-Lautrec, Edgar Degas, le guitariste de jazz manouche Django Reinardt et le réalisateur de cinéma Jean Renoir, fils du peintre Auguste Renoir vécurent dans cette allée cossue non accessible au public.
Avenue Frochot, Paris 9e
Continuez votre promenade par la rue Jean-Baptiste Pigalle. Le sculpteur français du 18e siècle Jean-Baptiste Pigalle y installe son atelier au numéro 4. La rue prend son nom après la mort de l’artiste.
Au numéro 67, on aperçoit depuis la rue une statue de cheval dans le hall de l’immeuble. C’est qu’ici s’est tenue une annexe de la Poste à Chevaux de Paris. La statue originale est celle que vous voyez, une réplique a été installée dans la cour là où se trouvait l’abreuvoir.
Le club de nuit chez Moune, au numéro 54, a conservé son panneau indiquant Cabaret Féminin. Ici se trouvait le plus célèbre club lesbien de la capitale tenu par un personnage hors norme, Monique Carton, qui se faisait appeler Moune. C’est aujourd’hui un club branché.
Rue Jean-Baptiste Pigalle, Paris 9e
Bifurquez rue Catherine de la Rochefoucauld. Au numéro 66 se tient le splendide hôtel Rousseau construit en 1780. Victor Hugo y vit après la mort de sa femme et se console dans les bras de Sarah Bernhardt qui habite à côté, rue La Bruyère. Puis revenez sur vos pas pour poursuive dans la rue Chaptal.
Au numéro 16 de la rue Chaptal, l’adorable musée de la Vie romantique est à lui seul l’incarnation parfaite d’un hôtel particulier de la Nouvelle Athènes. Demeure d’Ary Scheffer peintre d’origine néerlandaise, le lieu accueille les salons artistiques, les plus importants du quartier, organisés par son propriétaire. Franz Liszt, Eugène Delacroix, George Sand ou Frédéric Chopin viennent s’y rencontrer.
Le rez-de-chaussée du musée est aujourd’hui consacré à George Sand tandis que le premier étage est dédié aux œuvres de l’artiste hollandais.
Le saviez-vous ? La rue Chaptal recèle bien d’autres surprises ! Au début de la rue se tenait un cabaret dans lequel s’est produit, parfois des nuits entières, l’acteur Louis de Funès lorsqu’il était encore pianiste de jazz. Au 11 bis une plaque commémorative révèle la présence en ces lieux du chanteur-compositeur Serge Gainsbourg pendant ses jeunes années.
Musée de la Vie romantique – Hôtel Scheffer-Renan - 16 rue Chaptal, Paris 9e
Plus d'infos sur le musée de la Vie romantique
Revenez sur vos pas pour rejoindre la rue Notre-Dame de Lorette et admirer la façade du 49 et sa porte d’entrée ornée des visages d’Héloïse et Abelard. On retrouve les mêmes visages sur les grilles de la porte de l’immeuble du numéro 54.
Descendez la rue de la Rochefoucauld pour découvrir le musée Gustave Moreau. Le peintre a décidé de léguer à l’état sa demeure familiale pour en faire un musée abritant une collection extrêmement riche (1300 peintures, aquarelles et cartons et 5000 dessins) de ce peintre symboliste qui fût très productif. Le musée vaut aussi une visite pour le bâtiment lui-même : la façade mais aussi les salles très hautes de plafond et l’escalier en colimaçon sont inoubliables.
Musée Gustave Moreau – 14 rue Catherine de la Rochefoucauld, Paris 9e
Plus d'infos sur le musée Gustave Moreau
A quelques pas du musée Gustave Moreau la rue de la Tour-des-Dames mérite le détour ! Les plus grands comédiens de la première moitié du 19e siècle acquièrent, dans cette rue, des hôtels particuliers qui rivalisent alors d’élégance les uns avec les autres. Admirez la façade néo-classique de l**’hôtel de Mademoiselle Mars** situé au numéro 1 de la rue. On vient de partout admirer celui qui est considéré alors comme le plus beau de la Nouvelle Athènes. Au numéro 3, on trouve l’hôtel de Mademoiselle Duchesnois qui appartient à la troupe de François-Joseph Talma qui lui habite au 9 dans un hôtel dont les décors sont peints par Eugène Delacroix en personne.
Rue de la Tour-des-Dames, Paris 9e
Il ne s’agit pas d’un espace vert mais bel et bien d’une discrète résidence privée construite autour d’une fontaine centrale, inspirée des squares à l’anglaise. Elle est composée d’appartements habités, début 19e, par des personnalités telles que George Sand, Frédéric Chopin ou bien encore Alexandre Dumas qui y organise même une fête légendaire pour 700 invités dans des décors peints par Delacroix.
Square d’Orléans – 80 rue Taitbout, Paris 9e
Dirigez-vous vers la place Saint-Georges en prenant soin de passer par la rue d’Aumale qui garde la trace du passage de Richard Wagner en 1860 au numéro 3. Il se plaint alors du bruit de la fabrique de saxophones de Monsieur Sax, inventeur de ce dernier, qui se trouve au 50 rue Saint-Georges.
Rejoignez la place Saint-Georges qui est un concentré de ce qui fait l’identité de la Nouvelle Athènes. Au centre de cette place restée quasiment en l’état trône la statue de Paul Gavarni, caricaturiste aux 1300 conquêtes supposées qui fût notamment célèbre pour avoir dessiné les Lorettes. C’est par ce terme qu’on nomme les jeunes élégantes entretenues par des amants généreux.
La place est entourée d’élégants hôtels particuliers. Au numéro 27 l’hôtel Dosne-Thiers propriété de l’Institut de France abrite une la fondation Dosne Thiers et sa bibliothèque spécialisée sur le Premier Empire.
Fondation Dosne Thiers – 27 place Saint-Georges, Paris 9e
Au numéro 28 se dresse l’ancien hôtel particulier occupé, seulement un an, par la mondaine et courtisane Esther Lachman connue sous le nom de la Marquise de Païva. Elle épouse le marquis portugais Araujo Y Paiva en 1851 qui va lui offrir cette demeure construite en 1840 par Edouard Renaud. La façade néo-renaissance de l’édifice, critiquée en son temps pour son abondance, est néanmoins tout à fait caractéristique du style qui prévaut dans la Nouvelle Athènes.
Hôtel de la Païva – 28 place Saint Georges, Paris 9e
Le théâtre Saint-Georges jouxte la place. Outre ses spectacles, son hall d’entrée Art déco vaut le coup d’œil. C’est ici que François Truffaut, enfant du quartier, y tourne en partie « le Dernier Métro ».
Théâtre Saint-Georges – 51 rue Saint Georges, Paris 9e
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Prenez la rue Notre-Dame de Lorette et la rue Flechier pour atteindre l’entrée de l’église Notre-Dame-de-Lorette. Construite de 1823 à 1836 et classée au titre des Monuments Historiques, l’église est considérée comme le chef-d’œuvre de l’architecte néoclassique Hippolyte Lebas. Elle répond à un cahier des charges de l’époque, propre au quartier : la façade de style grec et l’intérieur italien. Elle reprend ainsi l’architecture des basiliques romaines ; son plafond plat sans voûte est orné de caissons.
Église Notre-Dame-de-Lorette – 18 bis rue de Châteaudun, Paris 9e
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Pour finir votre balade, remontez la longue rue des Martyrs. Très animée, elle vit au rythme des nombreux commerces de bouche, boutique de mode, artisans, bars, cafés et cabarets qui la bordent.
A l’angle de la rue Hippolyte Lebas au niveau du numéro 10 de la rue des Martyrs, levez les yeux pour apercevoir deux grandes réclames Ripolin et Bénédictine datant du début du 20e siècle. Retrouvées quasiment intactes lors de travaux du pignon de l’immeuble, ces publicités signées Defoly sont désormais inscrites au titre des monuments historiques.
Au numéro 23, le célèbre peintre romantique Théodore Géricault y installe son atelier en 1812 tandis qu’il demeure au numéro 49 de la même rue.
Rue des Martyrs, Paris 9e
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