Le tourisme est un secteur économique composé d’un assemblage d’industries (hébergement, transports, culture etc.), d’une multitude de clientèles et de territoires. Mais le tourisme concerne tellement d’acteurs que ses frontières sont floues et ses dynamiques multiples. A Paris, le tourisme représente près d’1 emploi sur 10, le chiffre d’affaires de l’hôtellerie atteint chaque année près de 4 milliards d’euros, et les retombées Salons et Congrès rapportent plus de 5 milliards d’euros à la collectivité. Le tourisme est surtout un laboratoire qui reflète l’évolution de nos modèles sociaux. S’interroger sur son avenir, c’est s’interroger sur les modèles qui façonneront notre quotidien.
Si l’avenir est pavé de nouveautés, les futurs enjeux du secteur ne devraient pas être si éloignés de ceux d’aujourd’hui. Sans doute est-ce la manière de les aborder qui évoluera, et ces enjeux prendront certainement de nouvelles dimensions au croisement de tendances lourdes. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous pouvons en relever trois :
C’est une tendance projetée par l’OMT avec un nombre de touristes internationaux passé de 50 millions en 1950 à 1,4 milliard en 2018. Ce volume devrait atteindre 2 milliards en 2030 et 3 milliards en 2050. On observe une tendance comparable dans le Grand Paris qui a enregistré 38 millions de touristes en 2018 et devrait en accueillir plus de 50 millions en 2040.
La digitalisation des territoires, car les territoires sont les premiers supports de l’expérience touristique, qu’il s’agit d’un mouvement de fond et que l’utilisation de la data permettra de repenser les modalités de séjour. Paris est engagée depuis plus de 10 ans dans des démarches de Smart City pour devenir une ville ouverte, connectée et ingénieuse. Logement, circulation, patrimoine… Tous les secteurs de la vie urbaine sont concernés et les jeux de données catégorisés.
Les innovations technologiques au sens large, aussi bien en matière de transports que de réalité virtuelle ou d’objets connectés, offriront des opportunités pour repenser les modèles économiques, des pratiques et des offres tournées vers plus de fluidité et de personnalisation.
Si l’avenir doit être durable, comment pourra-t-on repenser les enjeux environnementaux et socio-économiques du tourisme à la lumière de ces trois tendances ?
Le tourisme serait responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et des problèmes environnementaux se posent localement. Les fermetures temporaires de sites, comme l’écho de la campagne « Restons au sol » sont autant de symptômes des excès de croissances non maitrisées. Le tourisme urbain n’est pas en reste avec les débats de la pollution du nombre.
Comment repenser les enjeux environnementaux face à l’augmentation des flux ? En matière de transports, l’innovation vers des technologies plus vertes est par principe considérée. Mais pour quels résultats ? Les désillusions du progrès ont entaché la confiance d’une voie exclusivement technologique. Et c’est vers la data que se tournent les promesses d’un meilleur suivi, d’une meilleure compréhension, d’une meilleure gestion des ressources naturelles et patrimoniales des territoires. Le véritable enjeu sera de savoir comment intégrer la digitalisation pour une gestion touristique durable des territoires. Mais cela ne saurait être une solution à elle seule car la préservation de l’environnement est une affaire individuelle et collective. Elle exige une évolution plus profonde de nos rapports au temps, à l’espace, et à nos modes de production/consommation.
On peut considérer ces enjeux au travers du triptyque des interactions entre locaux, touristes et industries touristiques. Ces enjeux sont d’autant plus cruciaux en territoire urbain qu’ils touchent des questions d’emploi, de logement et d’espace public.
L’enjeu se pose traditionnellement dans les pays en voie de développement. Et peut-être trouvera-t-il un nouvel écho dans des pays plus avancés. Le secteur regroupe par essence des industries de services (près de 30 000 dans le Grand Paris dans l’hébergement, les loisirs, la restauration et les transports). Il se place donc en première ligne des impacts de la technologie sur l’emploi et le fonctionnement de l'entreprise, et en première ligne d’une déshumanisation de certains process par l’apparition des guides numériques, des transports automatiques, des robots majordome etc. Comment penser l’avenir de l’emploi touristique ? Loin des prédictions alarmistes qui prévoyaient « la fin du travail », la question sera plutôt de savoir comment le réinventer et comment l’humain y apportera sa valeur ajoutée. L’enjeu est socialement important dans la mesure où un sentiment de déclassement pourrait être renforcé par le décalage entre une augmentation des retombées économiques du tourisme pour les collectivités et les emplois localement concernés.
Parce qu’il aborde des questions sur l’accès au logement, sur la sécurité, la propreté etc. et qu’un nombre croissant de touristes souhaite vivre leur expérience « comme des locaux », l’enjeu de la cohabitation entre touristes et habitants est important. Du côté des pouvoirs publics, de Venise à Amsterdam, un nombre croissant de DMO révise leurs actions par ce prisme, par des campagnes de sensibilisation, de limitation ou de promotion d’offres alternatives. C'est le cas aussi de Paris où des projets comme Explore Paris contribuent à repenser la promotion de la capitale vers ses quartiers périphériques. Du coté des professionnels, les frontières tendent à s’estomper, notamment dans l’hôtellerie où des concepts plus inclusifs, portés sur l’entertainment et ouverts à la clientèle locale (par des nouveaux services de garde d’enfants, de pressing etc.) s’inscrivent comme une nouvelle norme. Dans la foulée du , des établissements comme le Grand Quartier, le Mob Hotel, ou symbolisent à Paris cette tendance. Les locaux ne seraient-ils pas un nouvel horizon des stratégies de développement touristique sur les territoires ?
Si l’avenir du tourisme est régulièrement et légitimement présenté à la lumière d’innovations comportementales, de nouveaux modèles et de nouvelles technologies, les enjeux soulevés ne manqueront pas de réinterroger nos principes de vie commune autour des notions de responsabilisation, d’emploi et d’espace public.